Artemis Ædelwine ♦ When all you have are lies

Artemis. Mon nom résonne dans le long corridor, comme un écho lointain du passé. Je lève la tête et cache ma dernière trouvaille sous une latte du vieux parquet, sous mon lit. Mère n’admettrait pas que je me risque à quelques sorties, là dehors. Ce n’était pas grand chose. Un livre à vrai dire, mais un de ceux qui ferait naître dans le coeur de la souveraine une ire sans limite. J’ai beau porter le nom d’une déesse sauvage et libre, je n’en ai que son nom. Artemis ! Je soupire et je me relève alors qu’elle entre dans mon espace. Prétendant lire notre généalogie, je pose mon livre. « Pardon, Mère. J’étais perdue dans les histoires de nos ancêtres. ».

Je prétends écouter. Je hoche la tête à tout ce qu’elle peut me dire. Oui. La parfaite petite fille modèle. Mon coeur se serre : je ne peux être sincère avec personne ici. Cacher sa nature, ses sentiments... Cette prison dorée m’oppresse de plus en plus. Mon regard se tourne vers la fenêtre. Là dehors, tout semble si vaste... Mon regard s’assombrit. Le chagrin qui me broie le coeur depuis quelques années ne s’estompe pas. Depuis ce jour où l’on m’a annoncé que je ne me marierai jamais. Que jamais je n’aurais d’enfants. La faute à pas de chance, je n’ai pas de cousin ou de frère disponible. Oh, en soi, échapper au mariage forcé m’avait tout d’abord réjouie mais... Aujourd’hui, la solitude me pèse. Tout ici n’est qu’hypocrisie. Mon frère ou ma soeur, ils avaient le même visage que notre mère : celui d’une vipère. Tant que j’irais dans leur sens, ils se montreraient aimables mais si jamais l’un d’eux découvrait ce qui sommeillait en mon coeur, ils me tueraient sans aucune once de remord. Ni même de chagrin.

Je vis au milieu des loups. Je vis avec des êtres qui pensent à leur sécurité sans vraiment comprendre le fond du problème. Sans même s’intéresser à ceux qui leur laisser le pouvoir : le Peuple. Ils ignoraient notre Peuple, le méprisaient et se pensaient supérieurs. Oui, nous le sommes. Après tout, la malédiction n’a aucune emprise sur nous. Mais à quel prix ? Celui de vivre derrière des murs de pierre, cachés, en dehors du monde réel ? A quoi ressemblait d’ailleurs ce monde réel ? Lentement, les questions s’étaient formés dans mon esprit. Tout d’abord, ce fut dans mes songes et maintenant, maintenant chaque mot, chaque image, chaque suggestion suffisait à éveiller ma curiosité...

Je devais sortir. Je suis née ici mais je refuse d’être condamnée à y mourir. Je veux tout connaître. Comment vivent-ils là dehors ? Comment gagnent-ils leurs vies ? Comment les sorciers lunaires font pour vivre avec de tels handicaps ? Ne pouvait-on pas annuler ce sort ? Oui, nous ne serions plus rien... Cette éventualité m’inquiétait, bien sûr... Mais je serai libre ! Libre de rencontrer la personne qui ferait battre mon coeur, de vivre MA vie. Le son de sa voix me ramena à la réalité. Mince. J’ai hoché la tête alors que ses paroles demandaient un autre type de réponse. Mon esprit tourna à vive allure pour trouver la meilleure parade. « Vous avez raison, je ferai selon vos désirs ». Elle sembla satisfaite et quitta la chambre. A quoi venai-je de consentir ? Je me laisse choir sur le lit.

Je n’en peux plus. Rester là, encore et encore, jour après jour... Je meurs à petit feu. Lentement, mon corps se change. Que vais-je choisir ? Un chat ? Une souris ? Non. Même la métamorphose ne me suffit plus à avoir l’illusion de la liberté. Je me souviens encore de ce jour où j’ai réalisé mon don. Je ne l’avais pas vraiment maîtrisé mais quelle joie ! Je pouvais être ce que je voulais. Je pouvais prendre la forme d’animaux. Mes yeux d’émeraudes seuls trahissaient ma nature. Je conservais la même couleur alors... Je me tourne vers le miroir pour observer mon reflet. Mes longs cheveux d’ébène cascadent sur mes épaules. Oui, beaucoup me reconnaîtrait à ma seule apparence mais c’est décidé. Je ne les laisserai plus régenter ma vie. Je ne les laisserai pas me priver du bonheur auquel j’ai droit ! Ici ou ailleurs... Ou ici ?

Je dois voir. Je dois comprendre. Si jamais le monde est aussi laid qu’on me le dépeint depuis ma plus tendre enfance, peut-être que ces murs n’auraient plus cet aspect de prison ? Ou bien, si jamais je m’aperçois qu’ils se trompent, je pourrais essayer d’arranger les choses ? M’écouteraient-ils ? Non, rien que mentionner la possibilité que la Reine est dans l’erreur me coûterait trop cher. Je crains encore ma mère. Je ne veux pas les trahir. Je veux juste vivre. Survivre. Je ne sais plus. Mais ce soir, je dois le trouver. Je dois le trouver pour sortir hors de ces murs. J’ai besoin de savoir.
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